« Nous allons vers une contraction du marché »

Malgré un contexte plus difficile en 2012, Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi, pense qu’il existera encore de nombreuses solutions de financement pour les particuliers au cours l’année à venir.

Quelle va être, selon vous, l’évolution des taux dans les prochains mois?

J’ai horreur des prévisions, car les marchés sont tellement surprenants que la plupart du temps, les prévisions que l’on fait s’avèrent fausses. Cependant, il y a deux schémas possibles : soit nous avons une dégradation de la note AAA française, ce qui entrainerait une augmentation des taux des obligations d’Etat. La tendance serait dès lors à la hausse pour les taux fixes de prêt immobilier. De combien ? C’est difficile à dire… On a vu que la dégradation des Etats-Unis n’avait pas provoqué d’augmentation des taux longs, ce qui avait également été le cas au Japon. En revanche, celles de l’Italie et de la Grèce ont provoqué des hausses beaucoup plus importantes des taux longs. S’il y avait une dégradation de la note AAA de la France, je pronostique une augmentation effective, mais relative, d’un point, faisant passer le taux moyen de 4% à 5% sur les taux fixes. Si la France n’était pas dégradée, il n’y a pas de raison que les taux augmentent. Les taux de l’OAT ont en effet baissé, et le taux de refinancement de la Banque Centrale reste faible.

Sur les conditions de financement, pensez-vous que le durcissement des conditions de crédit va se poursuivre ?

Il y a en France une palette de solutions bancaires en France pour le financement de l’immobilier qui est très très large. Au-delà du nombre d’établissements qui prêtent, chaque banque a des politiques commerciales ou de marges qui sont totalement différentes d’une région à l’autre. Je n’aime pas ces généralités qui consistent à dire que les conditions d’octroi de crédit se sont resserrées. D’une manière générale, on pourrait le dire pour le financement des entreprises, ou certains financements de particuliers en matière de consommation. Pour l’immobilier, pas du tout.

Pourtant les derniers chiffres de la Banque de France montrent qu’un certain nombre de banques durcissent les conditions de crédit immobilier ?

Ce sont même des instructions de la Banque de France demandant aux banques, suivant les critères de solvabilité de Bâle 3, de restreindre le financement risqué. Qu’est-ce que le financement risqué ? Chacun l’interprète un peu comme il veut. La réalité du marché, c’est que quelques établissements ont raccourci la durée d’emprunt dans leurs barèmes. Certains ne prêtent plus au-delà de 25 ans, alors qu’elles prêtaient auparavant sur 30 ans. D’autres limitent même le 25 ans. En revanche, d’autres n’ont pas du tout abandonné ce marché. Certaines banques spécialisées dans le crédit immobilier, comme le Crédit Foncier ou le Crédit Immobilier de France font du 30, 35 ans, voire même du 40 ans. Eux n’ont pas du tout cette stratégie de raccourcir les durées de prêt. On a toujours des solutions dans ces financements. Les conditions en termes de taux d’endettement, je n’y crois pas du tout. Ce dernier est vraiment à l’appréciation du banquier sur son risque. Certains banquiers freinent un peu en ce moment, mais c’est un mouvement que l’on a toujours connu. Il y a des banquiers, qui font, durant certaines périodes, moins de crédit immobilier et ne prennent que les meilleurs dossiers. Et 6 mois plus tard, suivant la région, elles reviennent sur le marché. C’est toujours très variable d’une manière générale. Toutes ces tendances probables - hausse des taux fixes et durées restreintes pour certains établissements – vont en revanche ramener indiscutablement sur le devant de la scène les prêts à taux révisables.

Voyez-vous leur part, aujourd’hui à 4.5%, remonter significativement dans la production globale de crédit?

C’est une solution qui va revenir au goût du jour. Dans les bonnes périodes, on faisait un peu moins de 20% de prêts à taux révisables en France, notamment lorsqu’il y avait un vrai écart entre l’Euribor et les taux des obligations d’Etat. Ces dernières années, cet écart s’était réduit : c’est pour cela qu’il y avait un vrai désamour pour ce type de produit. Il était intéressant dans certains financements d’investisseurs mais très peu pour le particulier dans le cadre d’une accession à la propriété. Or l’écart entre les taux longs et courts va se creuser. On peut même dire qu’il s’est déjà creusé aujourd’hui, avec un Euribor compris entre 1 et 1.5% et un taux de l’OAT compris entre 3% et 3.5%. S’il y a une perte du triple A et que les taux fixes augmentent, il y aura un vrai intérêt. On peut prendre le pari de prendre un prêt moins cher, en tant que particulier, au départ de son remboursement, et prendre un risque de hausse. Il suffit de sécuriser l’emprunt, via des caps, pour éviter de se retrouver surrendetté. Il résout en outre le problème des longues durées. Dans le cas d’un prêt à taux fixe, plus le prêt est long, plus le taux est élevé. En révisable, il n’y a pas de différence, puisque c’est une révision annuelle.

Pensez-vous que le financement va être l’une des problématiques majeures pour les candidats à l’accession en 2012 ?

Indiscutablement, nous allons avoir une contraction du marché. Il y aura moins de crédit qui vont être distribués en 2012 qu’en 2011, pour tout un tas de raisons : les élections à venir, certaines aides qui disparaissent, les taux qui ont tendance à monter… On peut prévoir qu’en 2012, le volume global sera plus faible. Dans ce contexte-là, je suis assez désolé de constater que le financement joue le rôle d’arbitre, alors que le financement devrait être un moyen. Aujourd’hui, c’est le financement qui va faire que le marché sera ou non porteur. Ce n’est pas très logique et pas très normal. Mais je reste tout de même optimiste car il y a des éléments très positifs. Le logement, en outre, n’est pas une option. Après, tout est question de savoir si on veut devenir propriétaire ou locataire. Il y a toujours une tendance naturelle à vouloir devenir propriétaire : c’est de la sécurité pour l’avenir… D’un autre côté, je pense que les banques ont toujours besoin de prêter.

Toutes se recentrent sur leur métier premier, à savoir la banque de détail, en particulier les grandes banques françaises. Leur métier, c’est de prêter au particulier. Si elles sont beaucoup plus sélectives, compte tenu des contraintes qu’elles ont, sur certains crédit à risque– financement des entreprises, participation réelle à l’économie – elles ne resteront pas en deçà sur le crédit immobilier, faute de quoi elles perdraient leur moteur. L’immobilier a toutes les vertus pour une banque : c’est d’abord un prêt qui est très bien garanti, et que les gens remboursent bien : il y a très peu de contentieux sur les prêts immobiliers. De plus, elles regagnent de la marge sur ce type de prêt. Le troisième point, c’est qu’elles acquièrent de nouveaux clients, ce qui est essentiel au regard des nouveaux critères de Bâle 3. Ces nouveaux clients sont de belles catégories, car ce sont de futurs propriétaires immobiliers. Ce sont des gens qui ont de gros revenus, une stabilité d’emploi, ce qui n’est pas rien. Or elles ont besoin de nouveaux dépôts pour remplir leurs critères. Pour toutes ces raisons, je pense que les banques ne s’éloigneront pas du crédit immobilier. Après, on sait que cette année, certaines banques vont être un peu moins présentes sur le financement de l’immobilier pour des raisons personnelles, comme la Société Générale. Et puis nous avons des banques très dynamiques, comme la BNP ou la Caisse d’Epargne, les banquiers spécialisés, pour leur financement sur le long terme ou le social. Il y aura des solutions pour notre clientèle afin de les rendre solvables et leur permettre de réaliser leur rêve. Je reste donc optimiste pour 2012.

 






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