Immobilier neuf: « le marché n’est pas suffisamment offreur »
Jean-Jacques Mathias, le président du CECIM, évoque avec Lyon Pôle Immo la situation du marché de l’immobilier neuf lyonnais.
On assiste à une baisse des volumes de vente depuis le début de l’année, dans l’ancien comme dans le neuf. Comment voyez-vous évoluer le marché de l’immobilier neuf ?
Dans le marché du neuf, on est dans une problématique différente de l’ancien. Le marché dépend de plusieurs facteurs. Le premier est l’offre disponible sur le marché. Le deuxième facteur est la solvabilité des acteurs en face de cette offre. Après, le troisième facteur est l’ensemble des éléments qui influent positivement ou négativement sur cette demande. A la première question, à savoir si le marché est suffisamment offreur, la réponse est clairement non, pour beaucoup de raisons. Pour l’agglomération lyonnaise, le marché a été alimenté sur les 3-4 dernières années par une offre de grosses opérations d’aménagement qui ont été quantitativement assez importantes. On a eu plusieurs opérations concomitantes qui offraient 400 à 600 logements à chaque fois, ce qui a influé très favorablement sur le marché. Or toutes ces opérations ont vu leur première tranche de commercialisation se terminer et les deuxièmes tranches n’arriveront pas avant début 2012 : on peut notamment penser à Confluence, ou même à la Duchère. Ces premières tranches se sont écoulées à un niveau plutôt meilleur qu’espéré, et il faut le temps mécanique de monter les deuxièmes tranches jusqu’au stade du marché : il faut notamment qu’elles soient administrativement opérationnelles, que les opérateurs aient été choisis, que ces derniers aient eu le temps de monter leurs programmes et les proposer en commercialisation. Or tous ces points-là ne seront pas réglés avant début 2012. Le marché n’est donc alimenté que par une myriade d’opérations en diffus. C’est un vecteur très important d’alimentation, mais comme nous n’assistons plus à des arrivées massives de plusieurs centaines de logements d’un coup, quantitativement, c’est plus difficile. Nous sommes actuellement sur des niveaux globaux de production de l’agglomération beaucoup plus élevés que par le passé : il faut beaucoup plus de logements pour alimenter le marché. Les rythmes d’écoulement des opérations sont en outre très rapides : actuellement, il faut un peu plus de 7 mois pour vendre une opération et bien plus que 12 pour en reconstituer une nouvelle. Or le fait de vendre une opération montée sur plusieurs années en moins d’un an déséquilibre le système, car il faut plus de temps pour la reconstituer que pour l’écouler.
C’est selon vous l’explication de la baisse des volumes observée en début d’année ?
C’est un des facteurs que l’on a un peu sous-estimé dans cette baisse. Dans les autres facteurs, on peut en outre éliminer celle de la demande insuffisante. Si tel était le cas, les opérations mettraient plus longtemps à se commercialiser, et il y aurait constitution d’un stock physique, or ce n’est absolument pas le cas. Au niveau du stock physique de logements physiques invendus, le nombre est epsilonesque. Est-ce qu’il y a un stock de chantier en cours qui seraient mal commercialisés ? On se rend compte également, en faisant l’analyse, qu’il n’y en a pas non plus… Il n’y a donc aucun risque de constitution de stock physique. On s’aperçoit que la majeure partie de l’offre aujourd’hui disponible est une offre sur plan, qui ne représente aujourd’hui aucun risque de stock. Tous ces éléments me laissent penser que l’on n’est absolument pas sur un risque de demande insuffisante.
Est-ce que vous avez observé un changement dans la structuration de la demande ?
On est sur un temps trop court pour se prononcer. Ce qui est sûr, c’est que la fin 2010 a été surjouée de façon un peu artificielle, du fait de l’accumulation de plusieurs phénomènes. Le premier a été la fin du pass foncier. Tout le monde savait que ce serait un fusil à un coup et qu’il n’y aurait pas de renouvellement. La communauté urbaine de Lyon, plutôt que de se demander pendant des années si c’était une bonne ou une mauvaise chose, a réagi très positivement de ce point de vue, en calibrant cette opportunité sur 1000 logements, en 2 fois 500 logements. On s’est aperçu que l’ensemble est parti très rapidement. Et ce dont on est sûr, c’est que sur ces 1000 acheteurs, beaucoup n’auraient sans doute pas pu acheter sans ce système-là. Le deuxième accélérateur a été la loi Scellier, dont on a dit qu’elle serait reconduite dans des proportions différentes et moins favorables. Beaucoup de gens ont anticipé leur décision, en se disant que tant qu’à faire une telle opération, autant la faire avant le changement de modalités de la mesure. L’accélération s’est donc faite en fin d’année, du fait qu’il y avait une date couperet. Nous avions vécu depuis plusieurs années dans lesquelles il n’y avait plus de date couperet dans les acquisitions. Or avec le Scellier, la perspective d’une date couperet en fin d’année 2010 a sans nul doute donné un coup d’accélération. A la place, nous avons désormais deux systèmes : le PTZ+ et le Scellier modifié.
Justement, comment sont accueillis les deux dispositifs ?
Pour le PTZ+, il faut l’expliquer au système bancaire, pour qu’on puisse bien le vendre, puis il faut l’expliquer aux opérateurs et enfin à ceux qui achètent. C’est un système plus compliqué moins lisible que le Pass Foncier. C’est en revanche un système intéressant, au vu des premiers résultats. Simplement ce sera peut-être un peu plus long à monter en pression que le Pass foncier. Peu de gens arrivent à suivre ce qui se fait en PTZ+ : c’est pour cela que nous avons, au CECIM, mis en place un système pour qu’on puisse le suivre. Nous allons le mettre en place au moment où les gens s’engagent, et la deuxième étape, quand les banquiers finaliseront le prêt. Pour le moment, les banquiers disent qu’ils ont plutôt des bonnes remontées, mais ils le quantifient, eux, quand le prêt est accepté. Ils n’ont pour l’heure pas de chiffres précis pour dire quelle est son influence. Pour l’heure, je ne suis pas trop inquiet : les utilisateurs n’ont d’ailleurs pas tellement reculé en 2011 par rapport à 2010. Là où nous avons recul, c’est sur le front des investisseurs privés. Ce mouvement était attendu : il fallait déboucler les positions, avant qu’ils s’engagent de nouveau. D’autant qu’il n’y a pas d’urgence : comme les ventes sont la plupart réalisées sur plan, c’est un engagement pris pour dans deux ans. L’urgence est moins dans la nécessité d’une défiscalisation immédiate, que dans le fait qu’il n’y ait pas assez d’opérations. Les investisseurs se disent qu’il vaut mieux s’engager maintenant que dans quelques temps, lorsque les opérations ne seront pas plus nombreuses et plus chères.
L’offre s’est-elle adaptée au changement du dispositif Scellier, qui favorise désormais les logements BBC ?
On peut dire que 100% des logements mis en vente aujourd’hui sont BBC, alors même que ce n’est pas obligatoire avant 2012. Toute la profession s’est dite qu’il fallait s’adapter à la future réglementation et que ce serait une hérésie d’attendre. Il faut dire que les acquéreurs sont demandeurs du BBC, et que, d’autre part, le Scellier favorise le BBC. La profession a bien réagi : le parc nouveau sera totalement BBC bien avant la date obligatoire.
Pour résumer, si 2010 a été une année exceptionnelle, 2011 sera une année de retour à la normale…
2010 a été l’année de tous les records. Or on sait que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. Cela veut dire que toutes les conditions qui poussent à l’expression d’une demande forte existent : parmi les freins, il y a, comme je l’ai souligné, l’importance de l’offre, et les systèmes existants. Pour l’heure, on ne peut pas dire si le PTZ+ jouera le rôle d’accélérateur ou de frein pour le marché. Quant au Scellier nouveau, il n’avait pas réellement démarré jusqu’ici. Les premiers chiffres d’avril en provenance des opérateurs laissent entrevoir une remontée au moins au niveau des demandes en provenance des investisseurs privés. D’ici la fin de l’année, ceci devrait monter en puissance. Et puis il y a le facteur solvabilisation, qui dépend essentiellement de deux choses : le prix et les taux.
Justement, le fait que le parc soit majoritairement BBC n’a-t-il pas renchéri le prix des appartements ?
Le BBC, tout le monde est d’accord, est plus cher. Ce dont on est sûr, c’est qu’il y a plus de matériaux et de mise en œuvre. De plus, on est dans les premiers chantiers. Comme personne ne l’a pratiqué, il n’y a pas l’avantage de l’expérience. Les entreprises prennent donc plus de précautions pour les produits en BBC qu’ils n’en prennent sur un produit parfaitement maitrisé. Le BBC est ainsi vraisemblablement 10% à 15% plus cher qu’un appartement de même type, au moins dans les premières années. On est donc dans une phase où les prix vont continuer à augmenter : ils ont monté de 5% à 6% l’année dernière, ils vont monter au moins d’autant cette année, d’autant que les composants augmentent.
L’augmentation des matières premières se ressent donc sur le secteur ?
Le logement est un produit industriel, et tous les matériaux de base - l’acier, le cuivre, le pétrole - sont orientés à la hausse. Le prix des matières premières est toutefois imposé à l’échelle mondiale, on sait que nous n’avons pas trop les moyens de jouer dessus. En revanche, nous nous imposons de nous-même une partie des coûts, avec le BBC, le Grenelle, et les nouvelles normes. Nous n’avons pas, comme dans l’industrie automobile par exemple, l’effet d’industrialisation ni les effets de série. Les nouvelles normes nous sont imposées, et on ne sait pas les effacer par la suite.
Au niveau du Grand Lyon, il y a une tendance à la densification. Est-ce que ce mouvement va se poursuivre selon vous?
Pour le mouvement de densification, je ne le vois pas. Nous vivons sur un PLU qui est ancien, avec une densité qui est prévue jusqu’en 2015. C’est un point important car, par rapport à la tradition de l’agglomération, il n’y a pas pour l’heure de phénomène nouveau. La densité de l’agglomération est trop faible. Acceptons-en le postulat : il faudra que l’on accueille 150.000 nouveaux habitants, et quoiqu’en puissent dire les politiques, ils ne peuvent pas s’opposer à la venue de nouveaux habitants dans l’agglomération. C’est un mouvement démographique et économique. Il faudra bien loger ces habitants. Si on ne veut pas les loger, on créera un mouvement de pression tel dans l’agglomération que l’on fera exploser les prix, tout en rejetant de plus en plus loin à l’extérieur les gens qui viendront travailler à l’intérieur de celle-ci, avec tous les inconvénients que cette situation implique. L’intensité urbaine est une nécessité. La France est un des pays du monde où la densité est la plus faible. Or nous avons, à Lyon, une qualité d’équipement et d’investissement qui nécessite cette intensité urbaine plus forte.
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