«Nous n’avons toujours pas de politique du logement»
Cédric Van Styvendael est maire de Villeurbanne et vice-président de la Métropole en charge de la culture. Nous évoquons avec lui les récentes évolutions en matière de politique du logement au niveau national.
Sur le front de la crise du logement, au vu des mesures inscrites dans le projet initial de loi de finances 2025, on ne perçoit pas de véritable changement. On reste plutôt dans la droite ligne de la politique qui avait cours avant la dissolution… Percevez-vous néanmoins quelques évolutions positives, au vu des premiers échanges que vous avez pu avoir avec la ministre ?
A part la ministre, je ne vois pas d’évolution positive. Nous avons quelqu'un qui est plutôt une connaisseuse du logement, du logement social, et un soutien du monde HLM, mais à part ça, il n’y a rien. La question c’est : quels vont être ses arbitrages ? Ce ne sont pas forcément des arbitrages liés au PLF, ce sont des arbitrages de réorientation des politiques publiques en la matière. Globalement, les bases vont, pour moi, rester à peu près identiques : 42 milliards d'euros de dépenses et 90 milliards de recettes sur les questions de politique du logement globalement. Moi, je pense que c’est dans cette équation qu’il faut jouer. C’est plutôt la question des orientations. Le mouvement HLM a raison, et maintient la pression avec la demande de suppression de la RLS (réduction de loyer de solidarité, ndlr). Mais peu de personnes se font d’illusion en pensant que le gouvernement irait dans cette direction là.
Après, ils vont avoir un vrai problème sur la question locative sociale… On commence à avoir des premiers organismes qui sont en situation de caisse de garantie du logement locatif social (CG2LS), alors que c’étaient auparavant de très belles boites. La RLS a trop prélevé sur les fonds propres des organismes, et ils n’arrivent pas à tenir développements et réhabilitations au niveau attendu. Si on commence à avoir beaucoup d'organismes dans cette situation, ça va tendre les choses. Après, nous n’avons tout simplement toujours pas de politique du logement. Je n'en suis même plus à demander un plan de relance X ou Y. Il n’y a pas de politique, donc personne ne sait dans quelle direction il faut aller, y compris en matière de fiscalité, où il n’y a pas d’orientation donnée pour favoriser tel ou tel axe. Il n’y a rien. Je ne dis pas que Valérie Létard ne va pas le faire. J’espère qu’elle arrivera à le faire. Je ne vois pas bien qui d’autre pourrait le faire aujourd’hui à l’heure actuelle. En tout cas, c’est ça qui va être scruté à la loupe, à un moment où on cherche 60 milliards d’euros.
Vous n’avez donc que peu d’espoir en la matière…
J’ai un a priori positif sur la ministre, mais des doutes sur les arbitrages positifs qu’elle pourrait avoir sur la question du logement. Après, déjà, que l’on ait une ministre de plein exercice qui porte le sujet, c’est, dans un climat qui est très morose, un signal encourageant.
Vous aviez participé activement au CNR Logement, et émis certaines propositions. Quels pourraient les dossiers, les arbitrages positifs que pourrait avoir la ministre du Logement, et qui ne comprendraient pas d’engagements financiers de la part de l’État ?
Il y en a un, déjà, c’est la question de l’encadrement des prix du foncier. Ça ne coute pas d’argent et ça en fait gagner dans toutes les opérations. Et c’est une mesure qui, en plus, a été validée par tous les membres du groupe de travail. Ça c’est une première mesure.
Après, il y a une deuxième mesure qui à mon avis ne coute pas d’argent et qui, même, en rapporte avec les DMTO (droits de mutation à titre onéreux, ndlr), et qu’on pourrait faire porter à d’autres opérateurs, c’est l’idée qu’on avait eu de racheter 100.000 logements du parc avec des étiquettes de performance énergétique F et G, et de les remettre en location une fois les travaux réalisés via une foncière.
Voilà deux mesures qui ne coutent pas d’argent. L’une coute de l’argent mais c’est un investissement : on achète des actifs pourris et on les transforme en actifs valorisables, et entretemps, on répond aux enjeux de transition écologique. Par ailleurs, comme ce sont des actifs, cela peut être porté par d’autres opérateurs que l’État. C’est pour cela que l’on trouvait que cette mesure tenait la route, et que cela constituait un vrai choc de l’offre : en deux ou trois ans, on remettait 100.000 logements sur le marché. Voilà deux mesures qui ne semblent pas être couteuses, et sur lesquelles la ministre pourrait se pencher.
A quels opérateurs pensez-vous pour opérer un tel portage ? Action Logement ?
Ce sont soit des investisseurs institutionnels, soit Action Logement, s’il trouvait cela intéressant. C’est à ce type d’acteurs que je pense.
Ce sont les deux seules évolutions ?
Non, ce ne sont pas les seules. Je vous cite deux exemples pour être concret. Vous me demandez des mesures qui me semblent compatibles avec le climat budgétaire dans lequel on est. Nous avions d’autres propositions, comme la suppression de la RLS, ou créer de l’hébergement et une répartition des places d’hébergement…
Oui, les deux mesures que vous citez semblent compatibles avec les exigences actuelles en matière de finances publiques...
Ça me semble deux mesures très structurantes dans le moment actuel. Elles ne coutent rien ou peuvent être portées par d’autres. Une troisième mesure qui ne couterait rien serait une véritable mesure en matière politique de loyers. La ministre pourrait généraliser l’encadrement des loyers et statuer par la loi plutôt que de laisser seules les collectivités de gauche faire une expérimentation qui donne à voir que ça marche. Ça énerve tout le monde, mais ça marche... Voilà une mesure qui ne coute pas d’argent et qui redonne du pouvoir d’achat aux français les plus modestes.
Et puis il y a la question de la remise en gamme des loyers du parc social, et comment est-ce que l’on fait en sorte qu’on arrête d’affecter à résidence les gens en fonction de la typologie des loyers qui existent, et qu’en gros, on met toutes les classes populaires et tous les plus fragiles à 4,50€ et que l’on arrive pas à créer une offre. Alors que si on faisait un pot commun avec tous les loyers et que l’on redispatchait les loyers dans l’agglomération, on retrouverait de la fluidité. Nous ne sommes pas obligés d’aller jusqu’au loyer unique, mais on peut aller vers une remise en gamme des loyers pour faire en sorte que l’offre soit plus diverse sur tout le territoire des métropoles. En clair, on crée une offre à 5€, une offre à 7€ et on crée beaucoup plus de fluidité à masse de loyers constants quittancés... C’est une autre mesure qui ne coute pas d’argent, mais ça coute un peu d’APL.
Il y aurait une échelle de loyers plus vaste que ce qu’elle est aujourd’hui ?
Je n’irai pas sur une échelle plus vaste. Je dis qu’il faudrait que l’on ait des loyers à 5€ dans le neuf dans la centralité de nos agglomérations. Pour y arriver, cela veut dire qu’il faut peut-être monter les loyers dans l’ancien dans les quartiers QPV qui va être solvabilisé par l’APL. Il faut avoir une plus grande mixité des typologies de loyers dans la ville. Aujourd’hui, elle est surdéterminée par l’endroit où se trouve du logement et la date de construction du logement.
A l’heure actuelle, lorsque vous faites du logement neuf social dans les quartiers attractifs de Lyon-Villeurbanne, le loyer est à 6,5€-7€ du m². Non réhabilité dans les QPV, il est à 4€ du m². Il n’y a personne dans les milieux les plus modestes, ou plus difficilement, qui peuvent se positionner sur 7€ du m². Aussi, comment faire pour créer de l’offre à 4,5€ dans la centralité ? Cela veut dire qu’il faut bouger les loyers, à la baisse d’un côté, à la hausse de l’autre. C’est ce qu’on appelle une remise en gamme des loyers. Cela offre de la fluidité, et la possibilité, pour certains qui le souhaitent, de sortir de certains quartiers. Cela crée de la mixité.
De la mixité à l’échelle de l’agglomération…
Cela fera certainement partie des choses que l’on verra peut-être apparaître. D’avoir une vraie politique du logement et une politique du loyer, cela participe à accompagner les enjeux de mixité dans les quartiers en renouvellement urbain.

(SdH/LPI)
Vous êtes, en tant que maire de Villeurbanne, président d’Est Métropole Habitat. La situation de tension en matière de RLS peut-elle avoir un impact sur les projets de l’office ?
Des scénarios d’arbitrages vont être présentés qui pourraient conduire dans le pire de cas à diviser par deux la production, et passer d’une production de 350-400 logements par an à une production de moins de 200 logements. L’arbitrage que l’on propose pour l’heure est de maintenir l’effort sur la réhabilitation, car il y a un enjeu majeur en matière d’économies d’énergie. La variable d’ajustement sera donc la production. Aujourd’hui, en l’état actuel des aides au logement social, cela conduit Est Métropole Habitat à devoir diviser par deux la production.
L’impact est donc réel sur la partie neuve, en sachant que vous avez une importante partie de votre production en maitrise d’ouvrage directe, à l’image de la pose de première pierre réalisée début octobre au Carré de Soie avec Rhône Saône Habitat...
Cela fait partie des réserves foncières qui sont encore disponibles, mais il y en a de moins en moins, parce que le prix du foncier est trop important. Est Métropole Habitat continue d’être sur une production d’environ 40% en maitrise d’ouvrage directe et 60% en VEFA, ce qui est un bon ratio pour un bailleur social. D’autres sont à 80% / 20%.
Si vous divisez par deux l’acquisition, cela fait baisser la production de logement tout court, car si on n’achète pas cette part en VEFA dans les programmes… Vous allez me dire : «ce sera d’autres qui vont l’acheter». Or ce que je vois des chiffres des autres organismes, c’est qu’ils sont confrontés aux mêmes difficultés qu’Est Métropole Habitat. Donc à un moment, il va y a avoir un problème de production de logement social. Déjà que les chiffres sont très bas…
Sur le front des réhabilitations, notamment dans les copropriétés, avez-vous une vision des évolutions en la matière?
Ce n’est pas ma délégation, donc j’ai peu de vision. Ce que je peux juste vous dire, c’est que nous sommes très inquiets sur la copropriété Saint-André. Nous avons enfin fait signer majoritairement un accord de réhabilitation avec la copropriété. Il y a un engagement de 80 millions d’euros de l’ANAH, et on voit avec beaucoup d’inquiétude les coupes qui sont faites dans les budgets de l’ANAH par rapport au respect de ce projet. Or cela fait 10 ans que l’on a essayé de construire ce projet de réhabilitation. Ce serait dramatique que l’on arrête maintenant alors que les copropriétaires viennent de signer un accord qui permet la division et la réhabilitation de la copropriété Saint-André. Moi, en tant que maire de Villeurbanne, je vais me concentrer sur la sortie de cette opération.
C’est une copropriété de plus de 600 logements…
C’est une énorme copropriété, qui ne vit pas bien du tout actuellement. On a absolument besoin d’aboutir ce projet. Tout est prêt.
C’est un ensemble qui fait par ailleurs couture avec La Soie et Bel-Air Camp...
Complètement. C’est un projet très important aux Brosses. Si les crédits de l’ANAH ne sont pas là pour accompagner le projet, ça va être compliqué.
Note de la rédaction : l'interview avait été réalisée avant l'annonce le 12 novembre de la diminution de la RLS par Valérie Létard
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