« A chaque société son défi historique »
Nordine Boudjelida est le directeur régional de l’ADEME Rhône-Alpes. A l’occasion d’une interview accordée aux sites Lyon Pôle Immo et Enviscope, il souligne les bienfaits de la réglementation en termes de normes thermiques, et parle des conséquences de la RT2012 sur le secteur du logement neuf.
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La RT2012 entre en application le 28 octobre prochain. Les entreprises sont-elles prêtes ?
Les informations que l’on peut avoir sont essentiellement des remontées des professionnels syndicaux du secteur du bâtiment et par les intermédiaires de la construction à l’occasion des opérations que l’on soutient. Ce n’est qu’une partie de la réalité. Il y a des indicateurs qui peuvent nous donner des tendances, mais il faut les prendre avec beaucoup de précaution, ou du moins les valider avec des organismes qui ont une vision plus transversale de ces sujets, comme la cellule économique de la construction en Rhône-Alpes, qui regroupe les différents représentants de la filière et notamment le service d’Etat qui est en charge de la RT2012, à savoir la DREAL. Le sujet est tellement vaste… Il faut d’abord dissocier la question de la construction et de la rénovation. Sur le neuf, nous n’avons pas trop d’inquiétudes. On le voit sur des appels à projets, comme Prebat, les choses sont en place. Dans l’existant, je serais beaucoup plus prudent.
Au niveau de la norme, pensez-vous que le fait de baisser certains avantages fiscaux pour le non BBC, comme ce fut le cas avec le dispositif Scellier, a entrainé au premier janvier un saut qualitatif en termes de normes de marché ?
Ce qui nous revient d’organismes de labellisation BBC, c’est que sur Rhône-Alpes, le nombre de demandes de labellisation a été augmenté de 65% sur les trois mois de la fin de l’année dernière jusqu’au début de cette année. Ce sont donc pour des chiffres sur trois mois des tendances extrêmement fortes. Il est évident que le réajustement de l’investissement locatif vers le BBC d’une part, mais aussi l’anticipation de la RT2012 ont largement entrainé une accélération des demandes de labellisation. Ça c’est pour le collectif. Pour l’individuel, on a très peu de retour. Il est rare qu’un particulier aille jusqu’à labelliser. Souvent les dispositifs qui nous donnent de la lisibilité sont les dispositifs de labellisation encouragés par les collectivités régionales, parce qu’elles accordent des aides au particulier, et elles l’assortissent souvent d’une procédure de labellisation. Les collectivités régionales peuvent beaucoup mieux que l’ADEME, donner une idée du taux de pénétration des maisons BBC pour l’individuel. On se rend toutefois bien compte qu’elles sont bien moins importantes que ce que l’on observe pour le collectif, pour des raisons évidentes de capacité financière.
Sur les surcouts, quels sont les postes qui augmentent le plus ? Pourront-ils être absorbés par le marché ?
La règlementation a cela de bon qu’elle oblige les acteurs à s’organiser en amont, comme pour n’importe quelle règlementation. Ça a néanmoins été le sujet de beaucoup de débat et notamment à l’ADEME. On s’est notamment posé la question si l’accélération des réglementations dans tous les domaines est souhaitable ou non. Il y a eu beaucoup de débats, y compris à l’ADEME, et aujourd’hui beaucoup considèrent que le levier le plus clair, le plus direct, le plus mobilisateur, c’est la réglementation. C’est le seul levier pour pousser nos sociétés à répondre aux enjeux. La question du surcoût est à reconsidérer différemment, puisque l’on est dans une logique progressive d’obligation. Néanmoins, c’est toujours important de rester pragmatique et d’arriver à quantifier.
Beaucoup de critiques émanent de certains promoteurs vis-à-vis des surcouts qu’engendrent le passage à la RT2012 et au BBC. Avec l’augmentation des prix, les ventes ont connu un net coup de frein au premier semestre, baisse que certains n’hésitent pas à attribuer à des contraintes de plus en plus fortes en termes de réglementation. Comment réagissez-vous à ces affirmations ?
Il faut être clair : oui, il y a effectivement surcout. Il faut le reconnaitre, mais il évolue. Il y a quelques années, on l’estimait à 20%. Aujourd’hui, les études les plus sérieuses parlent de 5% à 10%. En se fondant sur les bâtiments que nous
avons cofinancé, Prebat, c’est ce que nous observons, et ces bâtiments vont souvent plus loin en termes énergétiques. Mais est-ce que nous devons encore l’appeler surcoût ? C’est une question qu’il faut se poser par rapport à l’obligation qui est imposée. L’enjeu climatique, il est de l’ordre de l’intérêt général, ce n’est pas seulement une notion de confort. A chacun d’avoir des discours responsables. Je suis de plus en plus choqué de cette société qui fonctionne uniquement par le biais d’exonérations fiscales. Je suis contre aussi l’autre extrême, qui est celui de mise sur la corde de l’engagement militant. A l’Ademe, on sait très bien que l’on ne fonde pas des politiques publiques là-dessus. Chaque société a son enjeu, son défi historique. Ce qui est une charge a priori découle du fait qu’il y a un risque: on ne légifère pas pour le plaisir. Si ces surcouts ne sont pas pris en charge à la source, il faudra bien les prendre en charge à terme du fait des sécheresses, des canicules. Derrière, ce seront des impôts supplémentaires. C’est un moyen de contenir la pression fiscale à l’avenir. Quelque chose qu’il faut stimuler, qui est l’autre vertu de la réglementation et qu’il faut aussi stimuler, c’est de l’ingéniosité. Inventer de nouveaux matériaux, former ses salariés parce qu’une grande partie des surcouts sont liés à l’art de la mise en œuvre. Ceci permet de dégager des marges pour nos entreprises et les préparer à la concurrence. La réglementation nous pousse à imaginer autre chose. Il faut sortir de ce débat, et essayer d’avoir un équilibre dans l’individuel et le collectif. Ces 5% à 10% ne me semblent pas être insurmontables, d’autant que derrière, c’est aussi des économies dans la vie du bâtiment, dans le fonctionnement du bâtiment, qui est aussi quelque chose que l’on doit monnayer. Je discutais avec le député Havard il y a quelque temps avec le député Havard, qui est très engagé sur ces sujets, et il me disait que les bâtiments BBC se louaient plus facilement. Il y a un surcout, qui est plutôt un surinvestissement, qui est certes un peu contraint, qui est un peu supérieur aux standards reconnus, mais qui n’est pas démesuré…
On se rend compte que, dans ce cadre, la formation des professionnels est quelque chose de très important…
On l’observe aussi dans les techniques, l’art de faire, et c’est le bénéfice tiré des opérations Prebat, qui font toutes l’objet d’une métrologie et d’une évaluation. On est en capacité de donner des informations sur les meilleures technologies disponibles, sur l’art de les installer, sur les points durs, sur les usages. Pour que l’usage soit compatible avec l’ambition, Il faut des consignes extrêmement simples, et des consignes facilement applicables. On est là sur de l’investissement immatériel. Pour les matériaux et les techniques, là aussi, il y a tout un programme d’appui : avec Febat, nous montons des formations spécifiques, tant sur le neuf que sur la rénovation, auprès des maitres d’ouvrages des maitres d’œuvre. On pourrait ajouter tous les efforts qui sont conduits avec l’Education nationale, avec les Greta, avec la région pour former les professionnels du bâtiment, formation continue, initiale, professionnelle. Je pense notamment aux plateformes Praxis Ecobat que l’on va mettre place avec la région sur l’ensemble du territoire rhônalpin, une plateforme de premier niveau pour ceux qui vont réaliser des travaux, et les formations de formateurs, avec deux technologies que l’on a mis en avant : les performances énergétiques des parois opaques, et la ventilation. Ce sont des chantiers sur lesquels nous sommes largement positionnés. Est-ce que c’est suffisant ? En tout cas, par rapport à ce que c’était il y a trois ans, les efforts sont crescendo. Aujourd’hui, dans toutes les formations, c’est bien plus que du verdissement, et ça devient une préoccupation à la source de tous les professionnels. Pour terminer, dans nos appels à projets aujourd’hui, le BBC, c’est un peu du passé : nous mettons en avant le bâtiment à énergie positive et les réflexions sur l’énergie grise. C’est-à-dire tout ce qui concerne le prélèvement de ressources, le transport, la transformation. Ça va être très intéressant : c’est la première saison de bâtiments Prebat qui ont été sélectionnés sur la base de ce critère énergie grise. Qu’est-ce que ça va entraîner ? Une accélération de la réflexion sur les matériaux bio-sourcés et toutes les questions de relocalisation. Quand on a des entreprises locales, c’est aussi de la richesse qui est là. Les politiques publiques, c’est aussi ça : elles se doivent de réfléchir à 10, 15 ou 20 ans…
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