« 2011 sera comparable aux années 2005 à 2007 »
Frédéric Marchal, Président de la Fédération des Promoteurs Immobiliers Région Lyonnaise, pense que le niveau d’écoulement de logements neufs est revenu à la normale, après deux années exceptionnelles sur l’agglomération.
LYON PÔLE IMMO - Est-ce que l’on reste toujours, dans l’agglomération lyonnaise, dans une situation de sous offre ou est-ce que, parallèlement, est venu se greffer un problème au niveau de la demande?
Frédéric Marchal - Il faut se souvenir que les années 2009 et 2010 ont été des années exceptionnelles à Lyon en termes de logements vendus. On peut considérer que le niveau normal du marché du logement neuf à Lyon est de 4500 logements. Et on a eu pendant deux années, des volumes qui ont atteint les 6000 logements. Si l’on constate une activité moins soutenue depuis le début de l’année, nous sommes dans la perspective de clore l’année à environ 4500 logements, comme les années relativement habituelles dans l’agglomération. Il n’y a pas d’anxiété à avoir parce qu’il faut bien prendre en compte que les deux années précédentes ont été exceptionnelles.
On a vu qu’il y avait eu, sur le premier semestre, un énorme trou d’air au niveau de l’agglomération. Comment expliquez-vous cette situation : par un déficit d’offre ou de demande?
Nous sommes dans une situation où, sur l’agglomération lyonnaise, les grandes opérations publiques qui avaient alimenté le marché pendant les années 2005 à 2008 sont en voie d’achèvement. Le renouvellement de l’offre se fait donc quasiment exclusivement par des promoteurs immobiliers privés. Nous n’avons pas la capacité de pouvoir produire beaucoup parce que les terrains existent physiquement mais ne sont pas nécessairement sur le marché. Ce n’est pas parce que vous avez un terrain, un local industriel ou un bâtiment que vous êtes désireux de le vendre. Nous sommes dans un effet de ciseaux entre la fin des grandes opérations publiques – je pense notamment à la Duchère, au Bon Lait, à la Buire, à la Confluence – qui sont achevées ou en voie d’être achevées, et la perspective de mise en œuvre de nouvelles opérations publiques dans seulement 18 mois à deux ans. L’offre peine donc à se renouveler, et l’absence de foncier public conduit tous les opérateurs à se tourner vers du foncier privé qui est, lui, peu abondant. La pression foncière est donc forte car tous les acteurs travaillent sur les mêmes terrains. Du coup, les vendeurs se montrent plus gourmands dans leurs prétentions.
Ce qui explique aussi l’inflation des prix…
C’est tout à fait ça ! Le prix du foncier a connu une évolution anormale, due à l’insuffisance de l’offre. La profession est extrêmement attentive à pouvoir continuer à produire des logements accessibles à tous pour permettre à tous les lyonnais d’acheter un logement compatibles avec leurs capacités, mais l’inflation du foncier, la mise en œuvre des nouvelles normes règlementaires, comme celles sur le BBC et le Handicap, a renchéri les coûts de travaux. Les effets cumulés de l’inflation foncière et de la nouvelle règlementation a produit des logements de meilleure qualité, extrêmement économes en énergie, adaptés au handicap, mais cela a un impact sur les prix. Les prix ont continué à augmenter en 2011 alors même que le volume des ventes a plutôt régressé.
Face à cela, y a-t-il une demande en face de l’offre ?
Oui. L’année 2011 sera comparable aux années 2005 à 2007. On retrouve un volume marché relativement connu sur l’agglomération lyonnaise. L’intérêt de ce qui s’est passé sur les premiers mois de l’année, c’est que nous avions, en 2009-2010, un marché largement tourné vers l’investissement locatif, puisque les ventes représentaient deux tiers des ventes. Nous avons depuis le début de l’année une parité entre l’investissement locatif et l’accession à la propriété. Ce que nous considérons finalement comme étant un marché équilibré. Ce qu’il faut se souvenir, c’est que l’investissement locatif est absolument nécessaire au marché lyonnais. Les ventes en Scellier sont nécessaires pour alimenter les locations du marché libre, parce que tous les ans, 1000 logements occupés par des locataires sont vendus à des gens qui en font leur résidence principale. Il y a donc une destruction naturelle de logements locatifs privés. Au fond, l’investissement Scellier est venu participer au renouvellement de l’offre locative privée, qui est aujourd’hui extrêmement basse. Il n’y a pas de vacance locative à Lyon.
Aujourd’hui, l’une des interrogations, c’est l’avenir du Scellier. La réduction d’impôt pourrait retomber à 16% ou 14%. Est-ce que ça ne va pas tendre justement à réduire un peu plus la part des investisseurs?
D’abord, l’opportunité, c’est encore de profiter de l’opportunité du Scellier jusqu’à 22% d’ici à la fin de l’année. Là, il y a encore une opportunité pour faire des investissements locatifs extrêmement intéressants. Après, un Scellier à 16%, ça équivaut à l’intérêt fiscal que représentait le De Robien. Quelque part, ce n’est pas parce qu’il tombe à 16% que ça devient un dispositif sans intérêt. On se souvient du succès du De Robien. Si dans ce contexte-là, nous avons la chance d’avoir une accélération des mises en œuvre de la vente de terrains publics, qui peuvent permettre d’alimenter le marché qui est aujourd’hui sous-offreur en terrains, on pourrait espérer retrouver une clientèle en accession à la propriété, car les lyonnais souhaitent largement devenir propriétaires de leur résidence principale. Il y a une véritable aspiration des familles à être propriétaires de leurs logements. Aujourd’hui, l’évolution des prix connue depuis trois ou quatre ans fait que c’est devenu relativement impossible pour eux, et donc doivent soit renoncer, soit s’installer en deuxième couronne, avec tout ce que ça implique en terme de déplacements.
Y a-t-il de possibles libérations de foncier à court ou moyen terme ?
Les collectivités du Grand Lyon sont extrêmement conscientes de cette situation, très volontaristes dans le désir de libérer des emprises foncières publiques, ou en tout cas d’encourager des zones d’aménagement. La difficulté, c’est que l’urbanisme est un processus très long, et ce n’est pas parce qu’on décide de faire de l’aménagement que les opérateurs privés que nous sommes peuvent rapidement avoir accès à ce foncier libéré par ces zones d’aménagement. Il y a malheureusement un trou d’air à prévoir sur l’année 2012, avec une insuffisance de l’offre publique, et donc une tension sur les prix qui ne va pas baisser.
Avec cette tension sur les prix, ne risque-t-il pas d’y avoir des risques sur la demande ?
2012 pourrait être dans la dynamique de 2011, avec une année standard sur les volumes que nous avons réalisé sur les années 2005 à 2008, c’est-à-dire 4500 logements. La demande reste forte. Les fondamentaux du marché sont toujours là : une demande d’acquéreurs qui veulent être propriétaires de leur résidence principale, des taux d’intérêt qui restent bas et qui facilitent l’accession, donc je ne suis pas catastrophiste pour l’an prochain.
Nous parlions tout à l’heure du BBC… Les économies en termes de maitrise, de savoir-faire dans la conception ne pourraient-elles pas rendre moins onéreux les logements ?
Vous avez raison. Il y a deux phénomènes. D’abord, les produits industriels tendent à se stabiliser en termes de coût d’achat. Deuxièmement, les entreprises ont intégré un modus operandi dans la mise en œuvre des contraintes liées au BBC. La formation des entreprises se fait de manière extrêmement satisfaisante, propre à nous laisser penser que l’intégration des normes BBC ne devrait pas générer à l’avenir un accroissement significatif des prix pour la prise en compte de cette dimension nouvelle de bâtiment basse consommation.
La RT2012 est donc totalement intégrée ?
Oui. 100% de nos programmes sont RT2012, alors qu’elle ne concerne finalement que les produits à partir de l’an prochain.
Est-ce que vous pensez que la nouvelle loi sur les plus-values va être de nature à provoquer une rétention de foncier dans les prochaines années ?
Malheureusement oui. Cette taxation des plus-values pour les biens qui sont vendus à destination des promoteurs immobiliers va avoir un effet de rétention sur la mise sur le marché de terrains nouveaux. Ce qui ne va pas dans le bon sens sur le prix du foncier, et donc le prix des logements neufs qui sont issus de ces négociations. Ou bien les propriétaires vendeurs qui possèdent aujourd’hui un bien depuis 15 ans et qui pensaient pouvoir être exonérés de la plus-value vont se dire ‘maintenant que mon exonération est à 30 ans, j’attends’ ou alors ils vont se dire ‘je tente de faire payer à mon acquéreur, dans le cadre d’un surcroit du prix de vente, la fiscalité que je vais devoir assumer’. Cela va donc contribuer à la raréfaction du foncier.
Beaucoup de programmes sont aujourd’hui en diffus, c’est-à-dire hors zone d’aménagement. Quels sont aujourd’hui les grands programmes publics qui sont de nature à émerger dans les 2 à 3 ans qui viennent ?
Il y a des opérations en cours de montage. Il y a le Carré de Soie, la ZAC des maisons neuves à Villeurbanne, la ZAC du triangle à Saint Priest. On ne va pas avoir une surabondance de terrains publics. Si aujourd’hui, la proportion de terrains d’origine publique contribue à 20% de l’offre actuelle, elle est capable de monter à 30% ou 40%, mais n’ira jamais au délà.
Toujours sur le diffus, les opérations se portent surtout sur l’est ou l’ouest lyonnais ?
Les opérateurs fonciers cherchent partout. Il se trouve que le foncier est plus abondant à l’Est pour des raisons physiques naturelles. Les zones sont plus plates, et géographiquement moins difficiles à mettre en œuvre. Les capacités à trouver des terrains sont donc bien plus fortes dans l’Est que dans l’ouest. Les collectivités de l’ouest ne sont pas réticentes à vouloir développer des capacités immobilières, mais les capacités physiques sont moins abondantes.
Plus-values immobilières, changement du Scellier : les changements fiscaux vous perturbent-ils dans votre activité quotidienne de promoteur ?
Les promoteurs ont besoin de règles stables. Quand on commence l’étude d’un projet immobilier, cela va alimenter l’activité du promoteur qui le porte pendant 3 ans. La vraie difficulté aujourd’hui, c’est que l’on démarre l’étude de projets immobiliers sous le règne de certaines dispositions légales qui changent en cours de route. Ce que l’on souhaite, ce sont des règles pérennes dans la durée, de manière à ce que les conceptions de projet que nous avons engagé puissent être assurées de pouvoir être toujours en œuvre lorsque le programme sera en commercialisation dans un an, et que l’on aura toujours des logements à vendre pendant la durée des travaux. L’incertitude est l’ennemie du promoteur, parce que nous ne savons pas comment les choses vont s’inscrire dans les règles pour l’exercice suivant. C’est très perturbant pour la gestion des équipes et de l’activité de ne pas savoir de quoi l’année prochaine sera faite en termes de règles.
L’agglomération va continuer à se développer sur le long terme en termes de population. Cela sous-tend de bonnes perspectives en termes de promotions immobilières ?
Les fondamentaux du marché sont très bon. Il y a une vraie demande régulière des familles à être propriétaires de leurs logements. Il y a une insuffisance de logements neufs dans l’agglomération lyonnaise, tant en termes d’accession à la propriété que d’investissement locatif, et c’est encore plus vrai pour le locatif public, tant les demandes pour le locatif social sont nombreuses. Tant que la demande est soutenue, les perspectives restent relativement sereines. Il faut simplement que l’on ait une disponibilité foncière plus abondante pour qu’on puisse tendre en lien avec les responsables politiques de la communauté à la production de logements qui soient accessibles à tous. Il faut éviter que la rareté crée l’exclusion.
On tend vers de plus en plus d’intensité urbaine. C’est quelque chose que vous intégrez ?
Le phénomène est en marche. Les élus du Grand Lyon sont très lucides et essayent d’encourager l’intensité urbaine. Elle va dans le bon sens. Il ne s’agit pas de le faire avec violence. Il faut s’insérer dans le tissu urbain, avec intelligence et sensibilité. Il ne faut pas qu’on crée des phénomènes de repoussoir parce que l’on aurait imposé des densités qui ne soient pas acceptées par le voisinage. C’est un travail extrêmement sensible sur lequel les élus sont particulièrement attentifs, et avec lesquels on travaille de manière très collaborative. Les élus du Grand Lyon le vivent avec le désir de faire en sorte que l’agglomération reste accueillante, vivante, attirante, agréable à vivre. C’est un travail que nous faisons avec tous les élus de l’agglomération.
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